Une dernière bouffe en forme de trois dans notre bar d'attache San Telmien (El Territorio, el territorio nuestro), et s'en était fini de notre triplette porteña. Il ne faut jamais dire jamais, on sera deux sans trois, à bientôt Jupette.
Rendez-vous donc devant la UBA Sociales, la fac de science sociale qui se transforme en boliche (boîte à nuit) le week-end. J'y retrouve donc Inès, une bande d'étudiants poing levé, un tas de sacs de couchage et quelques guitares. Il est minuit, et les nuits deviennent fresquitas, mine de que dalle, alors pour attendre les bus qui en viendront nous ramasser que vers 2 ou 3h,on part se mettre à l'abri dans un local à quelques cuadras. Quelques blocs donc pour se mettre dans le bain : on a sorti les drapeaux rouge et déjà on vocifère des cantates inconnus à mes oyantes qui deviendront hymnes du week end.
Somos la patoga(??) de Fidel, y del Che Guevara ...
Je tente de saisir les paroles. Je suis assez paumée je dois dire. C'est qu'ils sont compagnons de lutte, et je suis la franchutita, pièce rapportée qui vient en safari rouge. Enfin, c'est comme ça que je le vis au départ. Alors je suis et je souris aux regards des passants qui regardent ahuris ce cortège de campeurs vociférants qui n'ont pas peur pour leurs extrémités en ce début d'hiver.
Le local en question, c'est le siège du Partido Communista, Federacion Juvenil. Le MUI, Movimiento Universitaria de Izquierda avec qui je m'en vais est en effet le syndicat étudiant affilié. Les camarades déjà présents là bas nous accueillent bras ouvert et gorge déployée. C'est bon parfois de nager en plein cliché. Partout la faucille, le marteau, la face de Fidel, de Lénine ou du Che. Celle là, j'ai pas fini de la voir, il aurait fallu les compter à Rosario, il était plus que partout le bougre.
Ca ressemble pour l'instant à un début de Crit : les anciens et les acharnés sont déjà a full, moi je suis là, pseudo-sociologue en planque, éberluée, je bois l'autour.
On partira après 3heures, la volonté des organisateurs étant que tous les bus partant de Buenos Aires (ils sont quinze) cheminent ensemble, que l'arrivée à Rosario soit déjà un début de parade. Je dors comme une Juliette en voyage, c'est à dire tout du long. J'ouvre l'oeil quand le bus s'arrête, il est 9 heures, Rosario nous voilà.
Il fait soleil et on a un parc devant nous: la pause maté s'impose, permettant ainsi de remplir les papiers qui nous serviront de droit d'entrée sur le camping de la manifestation. On arme les drapeaux, le vent déroule notre présence. El Bicho, el coordinador, nous distribue nos pass, et on s'avance vers l'entrée. Bienvenue dans un autre monde. Le MUI arrive, ça doit se savoir.
Yo no soy yanqui, ni quiero ser ...
Ça beugle et ça danse. 10minutes à l'entrée en représentation puis on rentre dans un hangar installé le stand, le portrait du Che y trône comme un crucifix dans une salle de classe d'école privée. Il semble veiller, sourire de nous. Foules de parti et syndicats y sont déjà, ça se connait, ça se salue. On va ensuite camper dans un coin de champs encore libre, entre le Partido Communista et la section du Partido Socialisata de Lanus(c'est un quartier de Buenos Aires, bande de malotrus !). On plante le drapeau avant la tente.
Après avoir lutté bien comme il faut avec un sol rocailleux qui promet une nuit des plus confortables, une ronde pour un checking du programme du weekend. El Bicho prend la parole.
Coordinador, coordinador, sos el mas lindo, sos el mejor.
Conférence de la fille du Che, discussions avec des compañeros cubains, marche, inauguration de la statue du Che (c'est quand même pour ça qu'on venait), il est 10heures et demi et la journée semble chargée.
Après le plébiscite de la hija Guevara face un public tout acquis brandissant triomphalement l'image du papa, dérivée à toutes les sauces, je m'éclipse faire un tour sur ce camping observer la plèbe. Un peu plus loin, un sound system salsa face à une immense tapisserie anti-impérialiste me fait gigoter quelques minutes.
De loin, on retrouve tous les atours d'un camping de festi : des jeunes, et des moins d'ailleurs,vaillants souriants et beaux gauchistes de tous les côtés, de la musique, des chiottes qui ressemblent à rien... Mais en s'approchant jeter un clin d'oeil de plus près, c'est quand même moins le bordel. On est propre, on est sage, on est là pour autre chose que des joyeusetés musicales entre amis. Entre festival et camp scout plutôt.
J'ai plus l'habitude du joyeux bordel, dans mes cheveux, dans ma tête. Je suis naturellement réticente à trop d'organisation. Je campe, c'est le cas de le dire, sur ma position d'observatrice extérieure. L'ordre me fait peur.
Et puis c'est la marche, le camping se vide, on hisse les couleurs. Le vent s'est levé pour les porter dignement. Les rues de Rosario en sont pleines d'ailleurs, le rouge surtout, mais aussi le duo bleu ciel et blanc argentin. Et le visage du barbu partout, partout.
C'est une joyeuse cohorte, on ne proteste pas, on revendique un héritage, le sourire est plus facile. On chemine entre la Fédé et le Parti Communiste Des étudiants, des travailleurs, des familles entières. Papy fait de la résistance pour sûr. Je m'en donne à cœur joie à photographier ce beau monde, et déjà laisse échapper quelques refrains qui se sont ancrées là haut mine de rien.
Yo no soy yanqui, ni quiero ser, yo voy Chavez, voy con Evo, con Fidel, olélééééé, oléolaaa
Je n'ai aucune idée de combien de temps à pu durer cette marche. El tiempo es un mentira de toutes les façons, et ce weekend en est une preuve de plus. J'ai cru partir une semaine.
Toujours est-il que le cortège fini par s'arrêter sur une grande esplanade, une marée humaine, regroupée par tâches de couleur. Les discours d'hommage au barbu sont barbants :l'architecte et le sculpteur nous gavent de détails technique, les anciens compagnons d'Ernesto nous vantent sa lutte, ses enfants sa bonté. On maudit les bassesses de l'empire Étasunien qui tente toujours de lever des oppositions dans les états espoirs, ceux passés à Gauche, Venezuela et Bolivie en tête. Mise à part la fille au discours rôdé mais puissant, ils sont bien moins bons orateurs que leur idole.La foule se fatigue aussi. On rit des allégations, des trop, et commente les pas assez. Enfin le drap tombe, un Ernesto Guevara tout de bronze et sans arme se dresse face à la foule qui l'acclame. Vu que je suis toujours aussi petite, je n'en voit que la tête. Un chanteur cubain entonne “aqui se queda la clara”, reprise à l'unisson, pogo et poing en l'air. C'est fort.
C'est beau des gens qui veulent. Tous les débats sont envisageables autour du Che, aucun angélisme n'est possible, il s'agissait bien de révolution, de guerre et d'arme, son romantisme et ses belles phrases n'ont jamais voulu le cacher. Mais qu'on ne me dire plus que ça n'est qu'un symbole floqué sur les t-shirts d'ados en manque de rébellion(oui, moi aussi, je l'ai eu ). Ici, il y a culte car il a espoir. L'Europe enlisée en voit que la figure d'apparat, mais à notre marasme sans idéal, je préfère leurs utopies révolutionnaires. Ici tout semble encore possible.
Retour au camping, tous en ronde pour la suite : on organise les commissions répartition des gens dans les tentes, courses, gestion du feu et de la popote. Je ne veux plus être que suiveuse, me voilà en route vers le supermarché, où comment gérer un repas pour 49 personnes dont quatre végétariens avec un budget de 5pesos par personnes(1 euros plus ou moins). Le casse-tête et rigolo, les calculs nombreux, et on repart les bras chargés de charbon de bois et de steaks congelés. Parilla-feu de camp, vin chaud, guitare. Il fait froid et pourtant ce qu'on est bien. On peint une nouvelle banderole dans un des hangars de l'entrée pendant que dans l'autre commence la fiesta que l'on rejoindra après, à temps pour voir la fin d'un sympatoche groupe de rock à cuivre, et surtout ne pas louper le groupe de cumbia à chemises pastels et dégaine Banlolé. Kitchissime.
La nuit est plus que froide, le réveil bleu, mais l'inondation des toilettes force à être alerte immédiatement. Le début d'aprem, assemblée générale du MUI près de notre bout de prairie, lieu choisi pour son l'ensoleillement..Le MUI est un mouvement atypique, regroupant conjointement groupes et syndicats multiples parsemés à travers le facus du pays, et on profite de l'occasion pour échanger entre les quelques facs porteñas et celles de Rosario, débats constructifs ou pas, mais on s'écoute entre deux matés.
A la fin de l'AG, on apprend à regret qu'on ne pourra pas rester pour le festival de l'après midi, les compagnies de bus par peur de blocages des routes ont décidé de faire partir tous les bus à 16h.
Coordinador, coordinador, sos el mas feo, sos el peor ...
Duuuuur d'abord. Mais dans le bus du retour, entre deux siestes sur des épaules voisines, je sens un peu de nostalgie voyant approcher la séparation d'avec ces illustres mais joyeux inconnus. C'est fou de se sentir groupe quelques temps. Au point d'en oublier qu'une survie est possible seul(e). Je n'ai donc pas pu assister aux concerts qui au départ étaient pour moi l'attrait principal de cette manifestation(on ne se refait pas). Mais j'ai vu des gens motivés et motiver, des idées fusées et fuser.
Beaucoup de rouge certes, mais surtout beaucoup de volonté de mouvement, et on en a besoin, bordel, de bouger.
Annexes :
Une sélection de photos qu'elles sont biens ici . Et toutes les photos qu'elles sont nombreuses là
Attention ça rouge !
Ce qu'en a dit Le Monde de tout notre tintamarre.
Et pendant ce temps là, à Buenos Aires, les partisans du campo reprenaient la rue, casseroles en main, à lire ici .
4 commentaires:
j'ai vu l'album photo avant de lire le texte. Me demande lequel des deux est le plus illustrant....
En tout cas, maintenant le texte est illustré !
quelle expérience !!!! décidemment cette année de mobilité est vraiment extraordinaire... pourquoi ça s'arrête si vite ?
on se voit dans la capitale dans quelques jours !!!
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